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portrait knitty wooly

Portrait d’artisane : Knitty and Woolly

Je vous invite à lire le portrait d’artisane de Knitty and Wooly aujourd’hui ! Vous allez plonger au cœur de la filière laine et de ces étapes : je suis très heureuse de vous donner à lire la générosité de Fanny et de ses explications. Des détails passionnants que j’avais à cœur de partager avec vous ! Car, quand vous voyez des pelotes dans vos magasins, savez-vous d’où elles viennent ? Il est possible d’acheter de la laine partout, des grandes surfaces aux magasins d’Hard Discount… Mais à part savoir que la laine vient généralement de Chine, qu’en savez-vous d’autres ? Lorsque j’ai fais les JEMA cette année, on m’a souvent demandé avec étonnement “il y a encore de la laine en France ?!”… Mais oui ! Et d’ailleurs, le programme créé par Lainamac porte ce projet de développement.

J’ai eu plaisir de rencontrer Fanny sur l’internet mondial et d’échanger avec elle. J’étais étonnée de ses laines françaises alors qu’elle réside en Belgique mais… Comme moi, vous allez comprendre le fin mot de cette très jolie histoire ! Je suis donc très heureuse de vous présenter son portrait et je la remercie très sincèrement pour ces explications quant à la transformation d’une toison à une pelote. Vous ne verrez plus vos écheveaux de la même façon j’espère 😉

Vous pourrez suivre son actualité sur son compte instagram.

Bonne découverte et encore merci à Fanny pour son partage 🙂

Bonjour Fanny !

Avant toute chose, pourrais-tu te présenter pour celles et ceux qui te découvrent ?

Bonjour à toutes et à tous, je m’appelle Fanny Girard-Sahun, j’ai 33 ans. Je suis originaire du Val d’Azun dans les Hautes-Pyrénées en France. Je vis depuis quelques années à Anvers en Belgique d’où j’ai fondé mon entreprise Knitty and Woolly en 2023. Il s’agit d’une entreprise artisanale qui valorise la laine de deux races de brebis locales des Pyrénées, la lourdaise et la tarasconnaise.

brebis lourdaise knitty wooly

Comment as-tu rencontrée l’univers de la laine et du fil ?

On peut dire que j’y baigne dedans depuis mon enfance. J’ai toujours pratiqué les différents arts du fil (tricot, tissage, crochet, couture, etc.). C’est ma grand-mère qui m’a transmis le tricot. Pour le reste, j’ai appris seule, en pratiquant. En plus de me permettre de réaliser mes propres vêtements, le tricot est très vite devenu une passion. C’est une activité très addictive que tu peux pratiquer partout et à tout moment… Pour moi, le tricot a aussi une vrai action méditative, sa pratique quotidienne m’apporte beaucoup de sérénité et de satisfaction. Avec le temps, je me suis de plus en plus intéressée et questionnée sur ces sujets. L’origine des fils, leur composition et leur mode de production… Ce cheminement m’a progressivement conduit à privilégier les fibres d’origine naturelle et d’origine tracée, me permettant d’allier plaisir et durabilité.

Tu proposes à la vente des laines spécifiques notamment de brebis lourdaises. Pourrais-tu nous en dire plus sur leur origine et cette race ovine ?

Ma passion pour la brebis lourdaise remonte à plus de 30 ans. C’est lorsque mon père, Jean-Michel, a choisi de devenir éleveur. Son but était de mener un projet de sauvegarde de la race, alors en voie d’extinction. Il s’agit d’une race originaire et emblématique de la région de Lourdes. Elle est rustique et très bien adaptée à la vie en montagne, notamment en estives. J’ai d’ailleurs eu la chance de participer à plusieurs reprises à la transhumance ! C’est une brebis très attachante et amicale. Malheureusement, la race a connu un déclin rapide dans les années 80 à cause de son gabarit. Elle a été progressivement remplacée par la brebis tarasconnaise. Très admirative du travail de mon père, c’est assez naturellement que j’ai eu à cœur de poursuivre ses efforts. Je me suis ainsi engagée dans ce projet de valorisation de la laine des brebis lourdaises.

Bon nombre de personne ne se posent pas la question de la fabrication d’une pelote de laine. On en trouve désormais un peu partout y compris dans les enseignes de Hard Discount. Pourtant, le processus est long et semé d’étapes ! Pourrais-tu nous expliquer comment on passe concrètement d’un mouton à une pelote ?

Effectivement les étapes sont nombreuses, et c’est formidable de connaître (et de vivre de l’intérieur) ce processus ! Ce que je décris ici reflète la fabrication de fil à l’échelle artisanale, respectueuse de l’environnement. Et non celle à l’échelle industrielle !

  • La tonte : Tout commence avec la tonte des moutons qui a lieu une fois par an, traditionnellement en février. C’est une étape obligatoire et nécessaire à la bonne santé des brebis. C’est un moment assez intense qui demande beaucoup d’énergie et qui implique plusieurs acteurs. Il y a bien sûr le ou les tondeurs, assistés par les personnes leur transmettant les bêtes une par une. Puis les personnes en charge du ramassage et du stockage des toisons. Enfin l’éleveur qui contrôle la bonne santé des animaux. Il faut savoir que la qualité de la laine dépend directement de la bonne santé du troupeau tout au long de l’année.
  • Tri et sélection : Il faut ensuite trier et sélectionner la laine. Ce processus s’effectue en deux étapes et se réalise entièrement à la main. D’abord, certaines parties sont directement éliminées. C’est le cas de la laine souillées par les crottes ou encore qui contient trop de foin. Vient alors une sélection plus fine qui consiste à repérer et sélectionner les parties les plus intéressantes pour faire du fil de qualité. On observe notamment la finesse, la longueur des fibres, l’élasticité, la couleur, la présence ou non de jarre, etc. C’est un travail long et fastidieux, mais primordial. La qualité du fil en dépend. Une fois triée, la laine est stockée dans des gros sacs avant son départ pour la filature.
  • Lavage : A son arrivé, la laine est lavée. La débarrasser du suint qui la recouvre et de la majorité des poussières est essentiel. Je travaille avec la filature de Niaux. Elle lave la laine en cuve avec l’eau du ruisseau attenant, à l’aide d’un savon biodégradable et à température de 70-80 °C. La laine est ensuite séchée soit à l’air libre en extérieur, soit dans des séchoirs électriques.
  • Préparation à la transformation : A ce stade, la laine n’a pas encore été débarrassée de tous ses débris végétaux. Elle va passer par une 1ère machine, le battoir, qui ”ouvre” les fibres de la laine grâce à ses grandes dents. Cela permet l’élimination mécanique des débris végétaux, du jarre, des fibres courtes etc. La laine est alors envoyée dans une deuxième machine, “le loup”. Il va séparer les fibres de laine avant le cardage. De l’eau est ajoutée à la laine pour limiter l’électricité statique. On y ajoute également de l’huile d’ensimage pour donner de la souplesse à la laine. Cela lui permettra de résister aux future contraintes mécaniques qu’elle subira lors du cardage. A la sortie du loup, la laine est récupérée sous forme de «flocons».
  • Le cardage : La cardeuse est une immense machine constituée de rouleaux garnis de pointes. Ils vont permettre de paralléliser les fibres et de les homogénéiser. La laine est également épurée d’avantage et des débris de laine tombent sous la machine, dans une grande fosse. En sortie de carde, le voile de laine est séparé en bandelettes, qui sont à leur tour roulées en fin cylindres par des frotteurs. Le résultat obtenu est le pré-fil.
  • Filage : Le pré-fil est finalement étiré dans une machine appelée le “continu à filer”. Cette dernière va exercer un mouvement de torsion. Cela permettra la formation et la solidification d’un fil simple brin. Ce fil, récupéré sur des bobines, est installé dans la retordeuse qui permet, comme son nom l’indique, de retordre les fils en 2 brins, 3 brins, etc., et d’obtenir des fils de différents diamètres. Par exemple, mes fils de la gamme Azun sont des fils cardés, à 2 brins (base Azun Sport) et à 3 brins (base Azun Worsted). Ils se prêtent volontiers aux jacquards et au points texturés, comme les torsades, pour ne parler que du tricot.
  • Conditionnement : Les fils sont mis en forme d’écheveaux grâce au moulin à écheveaux, puis twistés à la main dans mon atelier pour une bonne conservation. Pour pouvoir être tricoté, le fil doit être sous forme de pelote. Le fil peut également être conditionné sur cône d’environ 1kg, pour des projets nécessitant plus de laine comme le tissage par exemple.

Les laines ont des couleurs magnifiques : comment se déroule ce processus ? Est-ce important pour toi de proposer des laines teintées naturellement ?

Il est possible de teindre la laine avant ou après filage. Pour ma part, j’ai fait appel à une teinturière professionnelle : Myrobolan, située à Felletin dans la Creuse. Elle réalise la teinture sur le fil, de façon totalement artisanale et à base de végétaux. L’option de la teinture à base de produits chimiques et colorants de synthèse est clairement moins coûteuse… Mais pas toujours idéale du point de vue de notre santé et de l’écologie. Un autre de mes prérequis était de ne pas utiliser de mordançage à l’alun : c’est souvent synthétisé, ou bien extrait de la bauxite par des procédés industriels assez lourds… Un cahier des charges assez strict en somme, mais le nombre et la profondeurs des couleurs que l’on peut obtenir seulement avec des plantes est phénoménal !

Aurais-tu des conseils d’entretiens ou des recommandations à faire concernant tes laines ?

Tout d’abord, les tricots en laine naturelle ne nécessitent en réalité que très peu d’entretien ! Ils ont des propriétés structurelles et antibactériennes formidables. Aussitôt le projet tricot terminé, un tout premier lavage est nécessaire pour le bloquer. Comme toutes les laines teintées main, une immersion de dans de l’eau froide en présence d’un lavant doux sans savon fera amplement l’affaire pour un lavage régulier. Le lavage en machine n’est pas recommandé. Un séchage à plat et également important pour éviter au projet de se déformer sous le poids de l’eau. Je recommande également d’aérer régulièrement le tricot à l’air frais pendant quelques heures pour qu’il ”s’auto-nettoie”, en évitant le soleil direct. A titre d’exemple, je ne lave mes pulls tricotés que une à deux fois par an à la main, ce qui représente une sacrée économie d’eau et d’énergie.

Enfin, aurais-tu des événements à partager ?

J’anime des ateliers créatifs qui me permettent de partager ma passion pour la laine et, apprendre aux intéressé(e)s l’art de sa transformation, en explorant différentes techniques : fabriquer du fil au rouet, tricoter, tisser…Je leur raconte également la vie des brebis dans les Pyrénées, c’est vraiment un moment d’échange convivial autour de la création. Je donne des ateliers en partenariat avec Wecandoo Belgique mais j’organise également des ateliers dans des centres culturels d’Anvers. Je te remercie encore Candice pour ta sollicitation et ton partage! Un grand merci également à tous mes partenaires et à vous toutes et tous pour votre intérêt pour mon travail et les laines naturelles 🙂

Grand merci pour tes réponses Fanny, et à très bientôt !

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écheveaux de laine Knitty and wooly

Candice Aubert-Dhô – Artisane d’art textile engagée : retrouvez d’autres portraits via la catégorie “portrait d’artisane” sur le blog.

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